Le marché de la rénovation énergétique constitue à la fois un défi majeur pour l’amélioration du confort et des conditions de résidence mais également un levier essentiel en termes d’économies d’énergie et de réduction d’empreinte carbone. Les enjeux qui en découlent sont aujourd’hui bien connus : rénover massivement, plus efficacement et au meilleur prix. En parallèle, la conception des stratégies de réhabilitation repose aujourd’hui sur des choix empiriques basés davantage sur l’expérience que sur des résultats quantifiés. De plus, seul un petit nombre d’alternatives, n’excédant que rarement les 2 à 3 variantes, est envisagé.
Dans ce contexte, la démarche RENOIR permet d’accompagner des maîtres d’ouvrage lors d’une opération de réhabilitation pour explorer de nouvelles solutions techniques, tester un grand nombre de variantes et apporter une justification quantifiée du choix de la stratégie retenue sur la base de critères économique et énergétique. Cette démarche se base sur la combinaison de plusieurs outils numériques, à savoir :
Ce type d’étude requiert donc une maquette numérique au format ifc 2×3. Dans les deux opérations présentées ci-dessous, ces maquettes ont été réalisées par la société WiseBIM, qui possède une méthode basée sur l’intelligence artificielle pour la construction automatisée de maquettes à partir de plans fournis sous une multitude de formats possibles (.jpg, .dwg, .pdf, etc.).
Cette démarche a été déployée dans le cadre de deux opérations de réhabilitation. La première à Reims, consistait à rénover 2 bâtiments de 16 logements chacun, construits en 1967 et gérées par le bailleur social Le Foyer Remois – cf Figure 1.
Figure 1 : Maquettes numériques et vues des bâtiments du Foyer Remois concernés par l’opération
Les deux principaux enjeux de cette opération ont été de déterminer le choix le plus adapté pour le remplacement des menuiseries vieillissantes, représentant la moitié des déperditions de chaleur, ainsi que de définir une stratégie de remplacement de la chaufferie centrale au gaz. Au total, 5 produits d’isolation des murs extérieurs, 3 types de vitrages, 3 produits d’isolation de la toiture terrasse, 9 systèmes énergétiques (génération de chauffage et/ou d’eau chaude sanitaire et/ou d’électricité) et 4 systèmes de ventilation ont été intégrés dans les calculs. L’algorithme d’optimisation a ainsi généré plusieurs centaines de stratégies de rénovation en combinant les produits précédents. L’interface de restitution des résultats a permis d’identifier les gains énergétiques et économiques atteignables, et ainsi de préconiser, valeurs chiffrées à l’appui :
Figure 2 : Résultats de l’optimisation coût-énergie. Chaque point représente une stratégie de rénovation – i.e. une combinaison des actions de rénovation évoquées – et positionné dans un graphe dont l’abscisse est le Cep et l’ordonnée le coût global calculé sur 30 ans. Le bâtiment existant est représenté en bas à droite par le point surligné en rouge.
La deuxième opération basée à Villefontaine porte sur 3 résidences construites en 1973 et de géométries identiques pour un total de 67 logements, dont le propriétaire/gestionnaire est Immobilière Rhône-Alpes – Groupe 3F– cf Figure 3.
Ces résidences sont équipées de planchers chauffants électriques, régulés collectivement, et de convecteurs électriques en appoint. La production d’eau chaude sanitaire est effectuée par des ballons électriques individuels, et le renouvellement d’air par une ventilation mécanique collective simple-flux vieillissante.
Figure 3 : Vue et maquette numérique réalisée via la solution proposée par WiseBIM de l’une des 3 résidences de I3F Rhône-Alpes concernée par l’opération de rénovation
Les parois étant relativement isolées (8cm d’isolation sur les murs extérieurs et 15 cm en toiture-terrasse), seules des stratégies intégrant une isolation par l’extérieur performante ont été intégrées dans les calculs. La toiture en particulier pourrait être rénovée et son isolation renforcée pour d’une part pour résoudre des problèmes d’étanchéité, et d’autre part pour accueillir des panneaux photovoltaïques. La pose de panneaux PV sur les pans de façade non vitré a également été envisagée pour quantifier le productible potentiel de ce cas particulier.
Concernant les systèmes de chauffage, l’enjeu est d’identifier s’il faut conserver le plancher chauffant électrique existant ou le remplacer, par exemple par des panneaux rayonnants. En effet, le plancher chauffant existant présente l’avantage de fournir un bon confort thermique, mais sa configuration ne permet pas une régulation par appartement. De plus, ce système est dimensionné pour les déperditions thermique du bâtiment existant, et serait donc largement surdimensionné une fois l’enveloppe rénovée. Il a également été intégré dans les calculs des PACs Air/Air réversibles et individuelles pour évaluer le coût énergétique et économique d’une stratégie de rafraîchissement passif (et d’appoint de chauffage).
Bien qu’étant en bon état de fonctionnement, le système de production d’eau chaude existant, doit quant à lui être remplacé étant donné sa faible performance. Un deuxième enjeu est donc d’identifier le système de remplacement constituant le meilleur compromis coût/énergie. Plusieurs questions se posent pour le choix des nouveaux systèmes : individuels ou système collectif ? électrique, solaire ou thermodynamique ? Dans le cas d’un système solaire thermique[3]est-il plus intéressant de considérer des capteurs thermiques simple ou des capteurs hybrides photovoltaïques-thermiques ?
Nous avons pu répondre en partie à ces questions grâce à notre outil d’optimisation. Au moins 22 et jusqu’à près de 200 kWh/m².an en énergie primaire peuvent être économisés en considérant l’ensemble des stratégies de rénovation modélisées pour les résidences du Foyer Remois – cf Figure 2. Cela génère jusqu’à près de 90 k€ d’économies en coût global, mais aussi un surcoût potentiel de près de 780 k€, sur la durée de vie de 30 ans considérée dans le calcul d’optimisation. La combinaison d’actions de rénovation retenues et présentées plus haut permet une diminution de près de 190 kWh/m².an en énergie primaire pour un coût global au maximum de 850 k€ soit un surcoût de 100 k€ par rapport à l’existant. La sélection de la stratégie adaptée permettra a priori – à gain énergétique constant – de réduire ce surcoût à zéro.
Les gains énergétiques atteignables pour les résidences d’Immobilière Rhône-Alpes sont compris entre 50 et 110 kWh/m².an en énergie finale toutes stratégies confondues – cf Figure 4. Ces mêmes stratégies vont potentiellement augmenter le coût global sur 30 ans de 285 k€, mais aussi éventuellement le réduire de 220 k€ selon la stratégie de rénovation finalement sélectionnée. Ces résultats peuvent éclairer les choix d’actions vers la stratégie suivante :
L’ensemble de ces mesures permet d’économiser entre 80 et 110 kWh/m².an et de réduire jusqu’à 150k€ le coût global du bâtiment.
Figure 4: Résultats de l’optimisation coût-énergie pour l’une des 3 résidences d’I3F Rhône-Alpes
Les actions de rénovation envisagées et les gains énergétiques associés sont à la hauteur des attentes des maitres d’ouvrage, et ils permettent à l’heure actuelle d’alimenter les études des maîtrise d’œuvre qui intègrent ces scenarios dans leurs réflexions et propositions.
[1] Concernant la consommation, il s’agit du moteur de calcul Th-BCE de la règlementation thermique française RT2012
[2] L’interface permet par exemple de filtrer les stratégies répondant à ses objectifs (enveloppe budgétaire, objectif de réduction de consommation, etc), de visualiser l’impact du type de système énergétique ou d’isolant sur la performance globale, et d’obtenir le détail pour une stratégie donnée des éléments constitutifs
[3] De l’espace doit être libéré en toiture pour permettre la pose de capteurs thermiques ce qui se fait au détriment du nombre de capteurs photovoltaïques